François Morin
Comment traiter un sujet d’actualité ?
Dernière mise à jour : 7 sept. 2020
Vous devrez toujours préparer entre 2 et 4 sujets d’actualité, de manière approfondie. Cela fait partie des points-clés nécessaires en entretien de motivation.
Préambule
Il y a deux écueils à éviter.
1. Parler d’un sujet d’actualité n’est pas livrer une information comme pourrait le faire une chaîne d’information. On ne vous demande pas de faire le speaker d’info et donc :
d’avoir une approche juste factuelle, de vous borner à répéter les faits. Le jury veut de l’analyse, une prise de recul. Trop souvent, lorsque les candidats sont interrogés sur un sujet d’actualité, ils se contentent pourtant de répéter les faits, comme s’il ne s’agissait que d’un exercice de vérification du suivi de l’actualité. C’est cet exercice de suivi, certes, mais pas que.
de répéter des analyses bêtement. Evidemment, vous allez vous appuyer sur des argumentations lues dans la presse; mais avec ces lectures, vous devez fonder votre propre analyse. Cela ne signifie pas que vous devez faire vôtres des arguments ou analyses émises par d’autres (il faut avoir l’honnêteté de citer ses sources), mais l’assemblage des arguments, au final, est bien le vôtre. On doit retrouver « je » dans votre propos; vous devez être présent et ne pas empiler des analyses. Vous devez être au final capable de donner votre avis.
2. A l’inverse, on ne s’engouffre pas dans l’analyse d’un sujet sans avoir posé le contexte, les faits. Il est possible que le jury ne connaisse pas le sujet que vous abordez ou n’ait juste pas toutes les clefs pour comprendre. Commencez donc toujours par expliciter le sujet.
Comment ?
Vous avez grossièrement deux grandes façons de traiter un sujet d’actualité.
Le traitement par la recension des enjeux (problématiques) du sujet
Dans ce schéma, vous procédez en deux temps :
L’exposé des faits (30-40 secondes)
Le relevé de 2 ou 3 enjeux majeurs, introduits par une phrase du type : « Cela soulève plusieurs questions. » (1 minute par enjeu).
Dans ce schéma, la valeur de votre propos réside dans votre positionnement essentiellement analytique puisque vous ne vous emballez pas tout de suite à apporter une réponse mais vous cherchez à prendre du recul, à cerner des enjeux. Dire à un jury « ces faits soulèvent plusieurs questions » vous montre comme individu réfléchissant, analytique. Vous n’apporterez ensuite pas des réponses claires pour chacun des enjeux mais des pistes de réflexion. Dans ce schéma, le jury vous sent en mouvement, en cheminement et c’est bien ce qu’il attend en priorité. A privilégier donc pour tous les sujets sur lesquels vous n’êtes pas expert mais sur lesquels vous vous montrez intéressé.
Exemple :
Les faits
La chambre basse du Parlement allemand a autorisé vendredi la participation, à la suite des attentats de Paris, de 1200 militaires aux opérations internationales contre les djihadistes de DAECH en Syrie et en Irak. Sur presque 600 députés s’étant exprimés, les trois quarts ont voté pour. Le résultat était attendu, puisque la grande coalition de la chancelière Angela Merkel soutient la participation militaire du pays. Ce déploiement prévu pour 2016 sera la plus grosse mission de la Bundeswehr à l’étranger. Berlin fera notamment participer six avions Tornado à des missions de reconnaissance en Syrie et engager une frégate au côté du porte-avions français Charles-de-Gaulle. L’armée allemande ne procèdera à aucun bombardement, contrairement à la France, aux Etats-Unis ou à la Grande-Bretagne.
Cet engagement soulève plusieurs questions.
La première, est-ce un changement de doctrine pour l’Allemagne ?
La doctrine allemande est pacifiste. Cela date de la fin de la seconde guerre mondiale : les États-Unis ont fortement influencé l’écriture de la Loi Fondamentale allemande, en particulier par un certain côté pacifiste réaffirmé par de nombreux articles. L’article 26 empêche ainsi toutes préparations « en vue de préparer une guerre d’agression ». Le contrôle du parlementaire est aussi très prégnant pour éviter toute dérive de l’exécutif. L’article 87B précise ainsi que l’autorisation du Bundestag est nécessaire au déploiement de la Bundeswehr. La Bundeswehr ne pouvait d’ailleurs pas se déployer en dehors de son territoire national ou de celui de ses alliés jusqu’à une décision du Tribunal Constitutionnel allemand qui a autorisé en 1994 le déploiement de soldats allemands dans le cadre d’une mission de l’ONU dans le contexte du conflit en ex-Yougoslavie. C’est d’ailleurs la raison principale du refus allemand de s’engager en Irak en 2003 : pas de mandat de l’ONU.
Désormais l’Allemagne s’engage mais il ne semble pas y avoir de changement de doctrine pour autant. L’Allemagne s’engage en Syrie à contrecœur, poussée par la France et dans un moment où l’Europe ne peut supporter davantage de division. Les deux tiers des Allemands restent opposés à un engagement militaire de leur pays. Le terme de « guerre » n’est jamais prononcé par les membres du gouvernement, les Tornado ne largueront aucune bombe et se contenteront de missions de reconnaissance (à basse altitude néanmoins) et le gouvernement répète à qui veut l’entendre que « la victoire contre la terreur ne peut être que politique ».
Est-ce que pour autant l’Allemagne n’a aucun intérêt dans cet engagement ?
L’industrie d’armement allemande s’est reconstruite péniblement après la Seconde Guerre Mondiale autour de la construction d’équipements américains sous licence puis a évolué vers un savoir-faire particulier à certains domaines comme les blindés (Leopard I puis II), sous-marins d’attaque ou autres prouesses de l’aéronautiques qui sont devenues les figures de proues de l’industrie allemande. Bien que le secteur ait souffert de la fin de la Guerre froide, elle emploie néanmoins plus de 100 000 personnes à l’heure actuelle en Allemagne et reste très compétitive sur le marché mondial puisqu’elle se classe 3ème dans le classement des exportateurs en armement. De même, l’industrie allemande peut compter sur des acteurs puissants qui constituent un lobby important en faveur du déploiement de la Bundeswehr : Rheinmetall, ThyssenKrupp AG, Krauss-Maffei, Heckler & Koch ou encore MTU constituent autant d’acteurs dans le top 100 des entreprises d’armement.
Par ailleurs, l’Allemagne a une volonté diplomatique grandissante. Un grand mouvement de réformes de la Bundeswehr a vu le jour sous l’autorité de Theodor von und zu Guttenberg, repris depuis lors par son successeur Thomas de Maizières qui a présenté en mai 2011 un plan audacieux de refonte de l’armée allemande avec pour but l’adaptation de l’outil militaire aux volontés diplomatiques allemandes. J’ai lu un article dans lequel le ministre de la Défense avait ainsi déclaré : « La prospérité contraint à la responsabilité et cela vaut aussi pour la politique de sécurité allemande ».
Est-ce que cet engagement va servir concrètement la coalition ou reste-t-il symbolique ?
Sur le plan politique, la présence de l’Allemagne peut changer des choses. J’ai lu un article d’un chercheur et politologue allemand, Henning Riecke, qui pointe le fait que l’Allemagne a de bonnes relations avec l’Iran et il y a longtemps eu une coopération entre les services secrets allemands et syriens. Elle est également l’un des partenaires occidentaux privilégiés de la Turquie et de la Russie. Ce qui est décisif, c’est qu’au-delà de son engagement militaire, l’Allemagne se profile comme une puissance qui a un rôle important à jouer au Proche et au Moyen-Orient. Et cela est nouveau pour la politique allemande. Mais, militairement, l’Allemagne n’a pas plus de plan précis pour sortir de la crise que les autres pays occidentaux. Par ailleurs, les spécialistes de la défense sont très sceptiques sur les capacités militaires de l’Allemagne : selon un rapport interne à la Bundeswehr publié hier par la presse allemande, 29 Tornados sont actuellement à même de voler sur un total de 93 appareils… La majorité des avions de reconnaissance de la Bundeswehr sont donc cloués au sol pour problèmes techniques ou de maintenance. Le problème, lancinant, a même empiré puisqu’il y a un an, 38 appareils de la flotte étaient prêts à décoller pour partir en mission.
Le traitement par une seule et même problématique
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